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vendredi 26 avril 2013

Les nouvelles drogues de Synthèse - Article publié dans France Soir (2012)

MCPP, 4-methylmethcathinone, méphrédone, buphédrone, diméthocaine… ces noms ne vous disent peut-être rien. Pourtant, ces substances aux noms étranges deviennent le nouveau fléau des brigades des stupéfiants. Que sont ces nouvelles drogues de synthèse ? Qui les consomment ? Où les trouve t-on ? Points de repères avec l’aide de spécialistes.
Dans un monde en perpétuelle mutation, le marché des drogues n’échappe pas à la loi de l’évolution. En marge des drogues « classiques », telles que le cannabis, la cocaïne ou l’héroïne, de nouvelles substances de synthèse font leur apparition depuis quelques années. En février dernier, l’aéroport St Exupéry de Lyon s’est même vu devenir le théâtre d’une saisie record : 52 kilos de 4-MEC ! Si la consommation de ces substances reste marginale et circonscrite à certains milieux, le développement exponentiel de ces nouvelles substances en circulation existe bel et bien. « Ce ne sont pas des drogues nouvelles. Certaines molécules étaient vendues pour la recherche à des laboratoires. On les voit apparaître sur le terrain de manière isolée depuis 2008 », souligne Emmanuel Lahaie, pharmacien et chargé d’études à l’Observatoire Français des Drogues et des Toxicomanies (OFDT). Certaines de ces substances se retrouvent dans les produits industriels, comme la peinture ou les liquides pour parquets. Elles sont aussi parfois vendues comme engrais pour plantes ou comme sels de bain. En toute légalité.
Si plus de 40 nouvelles substances ont été identifiées en 2010 en Europe, elles constituent pour beaucoup en réalité des dérivés de la même famille : les cathinones de synthèse, dont le composé synthétique le plus connu est la méphédrone, apparue en France en 2007. Appelée encore « Bubble », « Meow Meow », « M.Cat» ou 4-methyl-ephedrone, cette drogue a notamment fait parler d’elle Outre-Manche d’une manière funeste à la suite d’une trentaine de décès suspects. Un signal d’alarme qui a décidé les autorités françaises à classer cette substance comme stupéfiant en juin 2010. Plus récemment, le 16 mars dernier, un arrêté publié au Journal Officiel par le ministère de la Santé vient de classer également la 4-fluoroamphétamine comme stupéfiant. Fabriquées de manière artisanale et sans cadre réglementaire, ces molécules de synthèse sont faciles à créer : il suffit de modifier un atome dans la formule chimique pour inventer une nouvelle substance. Ce qui laisse donc un train d’avance aux fabricants pour continuer à écouler ces drogues, le plus souvent via internet, en toute impunité. Et pour une somme dérisoire « Ces substances se vendent 6 fois moins cher que la cocaïne », explique le Dr Laurent Karila, psychiatre et spécialiste des addictions à l’hôpital Paul Brousse de Villejuif.
Ces nouveaux composés de synthèse provoquent le même genre d’effets que l’ectasy ou les amphétamines : « Ce sont des stimulants psychoactifs qui font soit partie de la même famille que l’ecstasy, soit de familles très proches comme les cathinones. Ils agissent donc vraisemblablement sur le système nerveux central», explique Emmanuel Lahaie. Des effets stimulants, euphorisants, calmants et/ou aphrodisiaques, recherchés dans le cadre de « Party Pills » et autres occasions festives. « En général, il s’agit de consommateurs qui ont déjà expérimenté d’autres substances, comme l’ectasy, qui vont tester ces nouvelles molécules par curiosité. S’il y a polyconsommation, certains utilisateurs peuvent aussi avoir recours à ces drogues pour amoindrir les effets de la descente après la prise d’autres substances », explique le Dr Karila.
Des effets et un potentiel addictif encore mal évalués
Concernant la dangerosité de ces nouvelles drogues de synthèse, les spécialistes manquent de données pour se prononcer. «On ne sait pas grand-chose à l’heure actuelle de leur potentiel addictif. Nous n’avons pas connaissance d’études publiées à ce jour. Par ailleurs, comme il ne s’agit pas d’un phénomène de masse, il est très difficile d’établir des tableaux représentatifs à partir de groupes isolés », explique Emmanuel Lahaie. Pour autant, les experts observent des effets communs aux amphétamines ou à l’ectasy. Problèmes cardiovasculaires, pics hypertensifs, atteintes neurologiques, convulsions, hémorragies cérébrales, coma, troubles psychiatriques variés… La liste est longue des méfaits et des risques pour la santé que ces drogues sont à même de générer. « Tout dépend bien sûr de la quantité consommée mais quelle que soit la dose, le risque de faire un AVC, par exemple, existe », rappelle le Dr Samira Djezzar, spécialiste des addictions à l’hôpital Fernand Widal. A cela s’ajoute le problème de polyconsommation car l’alcool ou le cannabis sont souvent associés à la prise de ces substances ainsi qu’une autre inconnue : l’ignorance du contenu véritable de ces comprimés.

Une consommation circonscrite à des usages festifs
 La cible de ces nouvelles drogues ? Les jeunes adultes (18-35 ans), les « teufeurs » qui fréquentent les milieux festifs et aiment faire de nouvelles expériences en groupe. A l’instar de l’amphétamine ou de l’ecstasy ces drogues de synthèse ne sont en général pas consommées de façon solitaire, pour fuir un état de mal-être. Comment repérer si quelqu’un de son entourage est sous l’emprise d’une ces nouvelles drogues ? « Des changements de comportements, des performances amoindries ou des dépenses anormales doivent alerter », explique le Dr Karila. Mais inutile de céder à la psychose : ces substances ne sont pas vendues à la sortie des lycées. « C’est inquiétant car cela montre qu’il y a un nouvel avenir pour les drogues  mais cela n’a rien à voir avec l’ampleur des substances comme l’héroïne ou la cocaïne». Rappelons qu’en matière d’addictions, le tabac et l’alcool, dont la dangerosité et le potentiel addictifs ne sont plus à démontrer, restent les premières substances addictives qui circulent à grande échelle. En toute légalité.

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