MCPP, 4-methylmethcathinone, méphrédone, buphédrone,
diméthocaine… ces noms ne vous disent peut-être rien. Pourtant, ces substances aux
noms étranges deviennent le nouveau fléau des brigades des stupéfiants. Que
sont ces nouvelles drogues de synthèse ? Qui les consomment ? Où les
trouve t-on ? Points de repères avec l’aide de spécialistes.
Dans un monde en
perpétuelle mutation, le marché des drogues n’échappe pas à la loi de
l’évolution. En marge des drogues « classiques », telles que le
cannabis, la cocaïne ou l’héroïne, de nouvelles substances de synthèse font
leur apparition depuis quelques années. En février dernier, l’aéroport St
Exupéry de Lyon s’est même vu devenir le théâtre d’une saisie record : 52
kilos de 4-MEC ! Si la consommation de ces substances reste marginale et
circonscrite à certains milieux, le développement exponentiel de ces nouvelles
substances en circulation existe bel et bien. « Ce ne sont pas des drogues nouvelles. Certaines molécules
étaient vendues pour la recherche à des laboratoires. On les voit apparaître
sur le terrain de manière isolée depuis 2008 », souligne Emmanuel
Lahaie, pharmacien et chargé d’études à l’Observatoire Français des Drogues et
des Toxicomanies (OFDT). Certaines de ces substances se retrouvent dans les
produits industriels, comme la peinture ou les liquides pour parquets. Elles
sont aussi parfois vendues comme engrais pour plantes ou comme sels de bain. En
toute légalité.
Si plus de 40
nouvelles substances ont été identifiées en 2010 en Europe, elles constituent
pour beaucoup en réalité des dérivés de la même famille : les
cathinones de synthèse, dont le composé synthétique le plus connu est la
méphédrone, apparue en France en 2007. Appelée encore « Bubble »,
« Meow Meow », « M.Cat» ou 4-methyl-ephedrone,
cette drogue a notamment fait parler d’elle Outre-Manche d’une manière funeste
à la suite d’une trentaine de décès suspects. Un signal
d’alarme qui a décidé les autorités françaises à classer cette substance comme
stupéfiant en juin 2010. Plus récemment, le 16 mars dernier, un arrêté publié
au Journal Officiel par le ministère de la Santé vient de classer également la
4-fluoroamphétamine comme stupéfiant. Fabriquées de manière artisanale et sans
cadre réglementaire, ces molécules de synthèse sont faciles à créer : il
suffit de modifier un atome dans la formule chimique pour inventer une nouvelle
substance. Ce qui laisse donc un train d’avance aux fabricants pour continuer à
écouler ces drogues, le plus souvent via internet, en toute impunité. Et pour
une somme dérisoire « Ces substances
se vendent 6 fois moins cher que la cocaïne », explique le Dr Laurent
Karila, psychiatre et spécialiste des addictions à l’hôpital Paul Brousse de
Villejuif.
Ces nouveaux
composés de synthèse provoquent le même genre d’effets que l’ectasy ou les
amphétamines : « Ce sont des
stimulants psychoactifs qui font soit partie de la même famille que l’ecstasy,
soit de familles très proches comme les cathinones. Ils agissent donc
vraisemblablement sur le système nerveux central», explique Emmanuel
Lahaie. Des effets stimulants, euphorisants, calmants et/ou aphrodisiaques,
recherchés dans le cadre de « Party Pills » et autres occasions
festives. « En général, il s’agit de
consommateurs qui ont déjà expérimenté d’autres substances, comme l’ectasy, qui
vont tester ces nouvelles molécules par curiosité. S’il y a polyconsommation,
certains utilisateurs peuvent aussi avoir recours à ces drogues pour amoindrir
les effets de la descente après la prise d’autres substances »,
explique le Dr Karila.
Des effets et un potentiel addictif encore mal évalués
Concernant la
dangerosité de ces nouvelles drogues de synthèse, les spécialistes manquent de
données pour se prononcer. «On ne sait
pas grand-chose à l’heure actuelle de leur potentiel addictif. Nous n’avons pas
connaissance d’études publiées à ce jour. Par ailleurs, comme il ne s’agit pas
d’un phénomène de masse, il est très difficile d’établir des tableaux
représentatifs à partir de groupes isolés », explique Emmanuel Lahaie.
Pour autant, les experts observent des effets communs aux amphétamines ou à
l’ectasy. Problèmes cardiovasculaires, pics hypertensifs, atteintes
neurologiques, convulsions, hémorragies cérébrales, coma, troubles
psychiatriques variés… La liste est longue des méfaits et des risques pour la
santé que ces drogues sont à même de générer. « Tout dépend bien sûr de la quantité consommée mais quelle que
soit la dose, le risque de faire un AVC, par exemple, existe »,
rappelle le Dr Samira Djezzar, spécialiste des addictions à l’hôpital Fernand
Widal. A cela s’ajoute le problème de polyconsommation car l’alcool ou le
cannabis sont souvent associés à la prise de ces substances ainsi qu’une autre
inconnue : l’ignorance du contenu véritable de ces comprimés.
Une consommation circonscrite à des usages festifs
La cible de ces nouvelles drogues ? Les jeunes adultes (18-35 ans), les « teufeurs » qui fréquentent les milieux festifs et aiment faire de nouvelles expériences en groupe. A l’instar de l’amphétamine ou de l’ecstasy ces drogues de synthèse ne sont en général pas consommées de façon solitaire, pour fuir un état de mal-être. Comment repérer si quelqu’un de son entourage est sous l’emprise d’une ces nouvelles drogues ? « Des changements de comportements, des performances amoindries ou des dépenses anormales doivent alerter », explique le Dr Karila. Mais inutile de céder à la psychose : ces substances ne sont pas vendues à la sortie des lycées. « C’est inquiétant car cela montre qu’il y a un nouvel avenir pour les drogues mais cela n’a rien à voir avec l’ampleur des substances comme l’héroïne ou la cocaïne». Rappelons qu’en matière d’addictions, le tabac et l’alcool, dont la dangerosité et le potentiel addictifs ne sont plus à démontrer, restent les premières substances addictives qui circulent à grande échelle. En toute légalité.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire